Le nationalisme assyrien

Introduction

 

Le nationalisme assyrien[1] est un phénomène qui a commencé dans la seconde moitié du 19ème siècle et a connu une grande avancée au cours du 20ème siècle.

Ce mouvement nationaliste a été le résultat d’une aspiration à une conscience nationale pour les chrétiens du Moyen-Orient. Cependant, la réutilisation du nom ‘Assyrien’ a causé beaucoup de discussion et de confusion au sein des communautés chrétiennes en Mésopotamie.

Les cas qui ont conduit à la réutilisation de ce nom historique doivent être considérés dans leur contexte, en tenant compte des circonstances historiques de cette période.

 

Contexte historique de la réutilisation du nom ‘Assyrien’

 

A partir du 15ème siècle après Jésus-Christ, le nom national des Chaldéens a été officiellement repris pour les chrétiens de l’Église d’Orient (Eta d’Mèdenha). Un nom national lié à la situation géographique de l’Église de l’Est (sud de la Mésopotamie) et aux ancêtres mésopotamiens de ces chrétiens.

Il est remarquable qu’ils étaient tous appelés Chaldéens et pour faire une distinction on appelait les chrétiens qui étaient catholiques ‘Chaldéens’ ou ‘les Chaldéens catholiques’ et ceux qui ne s’étaient pas convertis au catholicisme étaient appelés ‘les Chaldéens nestoriens’ [2].

Il est important de savoir que les Chaldéens nestoriens se sont également identifiés comme des Chaldéens. Il n’y avait aucune mention du nom ‘Assyriens’.

Cependant, cela a changé avec les fouilles archéologiques du milieu du 19ème siècle à Mossoul-Ninive. Le Britannique Austin Henry Layard a eu une large part dans ces fouilles avec la découverte de choses spectaculaires de l’époque de l’Empire assyrien. Le nom ‘Assyriens’ a ainsi été ramené à la vie. Austin Henry Layard parle dans son livre Ninive et ses restes[3] exclusivement sur les Chaldéens et les Chaldéens nestoriens, avec lesquels il se référait aux chrétiens de l’Église d’Orient, y compris le groupe non-catholique. Aussi William Francis Ainsworth, l’explorateur du 19ème siècle, est entré en contact avec les chrétiens de l’Église d’Orient et utilise dans son livre le nom ‘Chaldéens’ exclusivement pour se référer à ces chrétiens[4].

Ces sources en soi montrent qu’il n’y avait aucune mention du terme ‘Assyriens’ et que la mission archéologique de Henry Layard était le début réel du nationalisme assyrien.

Les missions de l’Église d’Angleterre[5] ont également eu une influence majeure sur la réutilisation de ce nom historique. Ils appelaient leurs missions aux Chaldéens nestoriens ‘la mission aux chrétiens assyriens’, où ‘Assyrien’ réfère à la position géographique (l’ancienne Assyrie).

Initialement ce nom était utilisé pour les chrétiens dans la région de Mossoul-Ninive, mais grâce à l’influence et à la propagande de l’Église d’Angleterre[6], les Chaldéens nestoriens adopteraient le nom ‘Assyrien’ et le nom ‘Chaldéen’ perdait peu à peu son caractère national. On continuait à utiliser ce nom que pour les Chaldéens catholiques.

 

Viser la conscience nationale

 

La conséquence de la réutilisation du nom d’Assyrien a cependant conduit à une campagne nationaliste dans laquelle les chrétiens «assyriens» se sont efforcés d’utiliser le nom d’Assyrien comme terme collectif pour désigner tous les chrétiens orientaux appartenant aux Églises liturgiques syriennes. Les chrétiens assyriens devenaient, pour ainsi dire, des Assyriens chrétiens.

Ils ont fait cela pour convaincre tous ces chrétiens d’une identité assyrienne, dans laquelle ils voulaient prouver le lien ethnique avec les Assyriens de l’ancien empire assyrien. Beaucoup de chrétiens mésopotamiens (principalement les Chaldéens nestoriens) ont été donc convaincus de cette fausse théorie.

Ce nationalisme assyrien s’est accompagné d’une propagande agressive dans laquelle des sources historiques ont été manipulées et des faits historiques inventés[7].

Toutes sortes de théories ont été envoyées dans le monde pour renforcer cette propagande comme la théorie largement répandue qui nous dit que le nom ‘Suraye’ vient d’Ashuraye, où le ‘A’ n’aurait pas été prononcé depuis plus de 2500 ans.

Les nationalistes assyriens affirment aussi que les Chaldéens ou les Araméens sont des Assyriens ethniques et qu’ils sont simplement Chaldéens ou Araméens en matière religieuse.

Aussi les découvertes archéologiques à Ninive (Irak) d’Austen Henry Layard prouveraient en soi que tous les chrétiens mésopotamiens sont des Assyriens ethniques.

Outre le fait que ces théories sont fausses et résultent d’une histoire manipulée, nous pouvons également conclure que ces fausses théories sont créées avec un grand manque de respect pour les événements historiques et les identités des peuples.

Les conséquences de ce nationalisme assyrien se font encore sentir aujourd’hui au 21ème siècle sous la forme d’un conflit de noms et les discussions, qui en ont résulté, ont séparé les gens et les communautés du christianisme oriental.

 

 

[1] Frahm, E., A companion to Assyria, chapter 32: Assyrian Christians (by Butts Michael Aaron), John Wiley & Sons Ltd, Yale University, New Haven, US , 2017.

[2] Jozeph, J., The Modern Assyrians in the Middle East, Encounters with Western Christian Missions, Archaeologists, and Colonial Powers, Brill, Leiden, Boston, Keulen, 2000, 291 pages.

[3] Layard, A.H., Nineveh and its remains, The gripping journals of the man who discovered the buried Assyrian cities, Skyhorse Publishing, New York, 2013, 528 pages (initialement publié par John Murray (Londen) en 1849).

[4] Ainsworth, W.F., Travels and researchers in Asia Minor, Mesopotamia, Chaldea and Armenia, John W. Parker, West Strand, Londen, 1842, 364 pages.

[5] Coakley, J.F., The Church of the East and the Church of England, A History of the Archbishop of Canterbury’s Assyrian Mission, Clarendon Press, Oxford, 1992, 432 pages.

[6] Wigram, W.A., The Assyrians and their Neighbours, G.Bell & Sons, Londen, 1929, 247 pages.

[7] Wilmshurst, D., The Martyred Church, A History of the Church of the East, East & West Publishing Ltd, Londen, 2011, 522 pages. Page 413-416 ‘The Assyrian Identity’